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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/265

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525Sortez de cette erreur, et souffrant ce partage,
Ne faites pas ici l’entendu davantage.

CLÉANDRE.

Le moyen que je sois insensible à ce point ?

PHYLIS.

Quoi ! pour l’entretenir, ne vous aimé-je point ?

CLÉANDRE.

Encor que votre ardeur à la mienne réponde,
530Je ne veux plus d’un bien commun à tout le monde.

PHYLIS.

Si vous nommez ma flamme un bien commun à tous,
Je n’aime, pour le moins, personne plus que vous ;
Cela vous doit suffire.

CLÉANDRE.

Cela vous doit suffire.Oui bien, à des volages
Qui peuvent en un jour adorer cent visages ;
535Mais ceux dont un objet possède tous les soins,
Se donnant tous entiers, n’en méritent pas moins.

PHYLIS.

De vrai, si vous valiez beaucoup plus que les autres,
Je devrois dédaigner leurs vœux auprès des vôtres[1] ;
Mais mille aussi bien faits ne sont pas mieux traités,
540Et ne murmurent point contre mes volontés.
Est-ce à moi, s’il vous plaît, de vivre à votre mode ?
Votre amour, en ce cas, seroit fort incommode ;
Loin de la recevoir, vous me feriez la loi :
Qui m’aime de la sorte, il s’aime, et non pas moi.

LYSIS, à Cléandre

545Persiste en ton humeur, je te prie, et conseille
À tous nos concurrents d’en prendre une pareille.

CLÉANDRE.

Tu seras bientôt seul, s’ils veulent m’imiter.

  1. Var. Je devrois rejeter leurs vœux auprès des vôtres. (1637-1657.)