Pour forcer sa colère à de si doux effets,
Quels efforts, cher ami, ne me suis-je point faits !
Malgré tout mon amour, prendre un orgueil farouche[1],
L’adorer dans le cœur, et l’outrager de bouche ;
J’ai souffert ce supplice, et me suis feint léger,
De honte et de dépit de ne pouvoir changer.
Et je vois, près du but où je voulois prétendre,
Les fruits de mon travail n’être pas pour Cléandre !
À ces conditions mon bonheur me déplaît.
Je ne puis être heureux, si Cléandre ne l’est.
Ce que je t’ai promis ne peut être à personne ;
Il faut que je périsse, ou que je te le donne.
J’aurois trop de moyens de te garder ma foi[2] ;
Et malgré les destins Angélique est à toi.
Ne trouble point pour moi le repos de ton âme[3] ;
Il t’en coûteroit trop pour avancer ma flamme.
Sans que ton amitié fasse un second effort,
Voici de qui j’aurai ma maîtresse ou la mort :
Si Doraste a du cœur, il faut qu’il la défende,
Et que l’épée au poing il la gagne ou la rende.
Simple, par le chemin que tu penses tenir,
Tu la lui peux ôter, mais non pas l’obtenir.
La suite des duels ne fut jamais plaisante :
C’étoit ces jours passés ce que disoit Théante[4].
- ↑ Var. Me feindre tout de glace, et n’être que de flamme,
La mépriser de bouche et l’adorer dans l’âme. (1637-57) - ↑ Var. J’aurai trop de moyens à te garder ma foi. (1637,44 et 52-57)
- ↑ Var. Ne trouble point, ami, ton repos pour mon aise :
Crois-tu qu’à tes dépens aucun bonheur me plaise ? (1637-57) - ↑ Allusion à ces vers de la Suivante (649-652, p. 160) :
Le duel est fâcheux, et quoi qu’il en arrive,
De sa possession l’un et l’autre il nous prive,