Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/289

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ANGÉLIQUE.

Tenez.Je prends sans lire ; et ta foi m’est si claire,
Que je la prends bien moins pour moi que pour mon père ;
Je la porte à ma chambre : épargnons les discours ;
Fais avancer tes gens, et dépêche.

ALIDOR.

980Fais avancer tes gens, et dépêche.J’y cours.
Lorsque de son honneur je lui rends l’assurance,
C’est quand je trompe mieux sa crédule espérance :
Mais puisqu’au lieu de moi je lui donne un ami,
À tout prendre, ce n’est la tromper qu’à demi.



Scène IV.

PHYLIS.

980Angélique ! C’est fait, mon frère en a dans l’aile.
La voyant échapper, je courois après elle ;
Mais un maudit galant m’est venu brusquement
Servir à la traverse un mauvais compliment,
Et par ses vains discours m’embarrasser de sorte
990Qu’Angélique à son aise a su gagner la porte.
Sa perte est assurée, et le traître Alidor[1]
La posséda jadis, et la possède encor.
Mais jusques à ce point seroit-elle imprudente ?
Il n’en faut point douter, sa perte est évidente[2] ;
995Le cœur me le disoit, le voyant en sortir,
Et mon frère dès lors se devoit avertir.
Je te trahis, mon frère, et par ma négligence,
Étant sans y penser de leur intelligence…

(Alidor paroît avec Cléandre accompagné d’une troupe ; et après lui avoir montré Phylis, qu’il croit être Angélique, il se retire en un coin du théâtre, et Cléandre enlève Phylis, et lui met d’abord la main sur la bouche.)
  1. Var. Sa perte est assurée, et ce traître Alidor. (1637-57)
  2. Var. Il n’en faut point parler, sa perte est évidente. (1654)