Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/291

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Suis-je encore Alidor après ces sentiments ?
Et ne pourrai-je enfin régler mes mouvements ?
1025Vaine compassion des douleurs d’Angélique,
Qui penses triompher d’un cœur mélancolique[1] !
Téméraire avorton d’un impuissant remords,
Va, va porter ailleurs tes débiles efforts.
Après de tels appas, qui ne m’ont pu séduire,
1030Qui te fait espérer ce qu’ils n’ont su produire ?
Pour un méchant soupir que tu m’as dérobé,
Ne me présume pas tout à fait succombé[2] :
Je sais trop maintenir ce que je me propose,
Et souverain sur moi, rien que moi n’en dispose.
1035En vain un peu d’amour me déguise en forfait
Du bien que je me veux le généreux effet :
De nouveau, j’y consens, et prêt à l’entreprendre…



Scène VI.

ANGÉLIQUE, ALIDOR.
ANGÉLIQUE.

Je demande pardon de t’avoir fait attendre,
D’autant qu’en l’escalier on faisoit quelque bruit,
1040Et qu’un peu de lumière en effaçoit la nuit :
Je n’osais avancer, de peur d’être aperçue[3].
Allons, tout est-il prêt ? Personne ne m’a vue :
De grâce, dépêchons, c’est trop perdre de temps,
Et les moments ici nous sont trop importants ;
1045Fuyons vite, et craignons les yeux d’un domestique.
Quoi ! tu ne réponds point à la voix d’Angélique ?

  1. Var. Qui pensez triompher d’un cœur mélancolique. (1637, 44 et 52-60)
  2. Var. Ne me présume pas encore succombé. (1637-57)
  3. Var. Je n’osois m’avancer, de peur d’être aperçue. (1637-57)