Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/295

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Tu m’adores, dis-tu ? tu le fais bien paroître,
1110Rejetant mon bonheur ainsi sur un peut-être.

ALIDOR.

Quoi qu’ose mon amour appréhender pour vous,
Puisque vous le voulez, fuyons, je m’y résous ;
Et malgré ces périls… Mais on ouvre la porte :
C’est Doraste qui sort, et nous suit à main-forte.

(Alidor s’échappe et Angélique le veut suivre ; mais Doraste l’arrête.)



Scène VII.

ANGÉLIQUE, DORASTE, LYCANTE,
troupe d’amis.
DORASTE.

1115Quoi ! ne m’attendre pas ? c’est trop me dédaigner ;
Je ne viens qu’à dessein de vous accompagner ;
Car vous n’entreprenez si matin ce voyage
Que pour vous préparer à notre mariage.
Encor que vous partiez beaucoup devant le jour,
1120Vous ne serez jamais assez tôt de retour ;
Vous vous éloignez trop, vu que l’heure nous presse.
Infidèle ! est-ce là me tenir ta promesse ?

ANGÉLIQUE.

Eh bien, c’est te trahir. Penses-tu que mon feu
D’un généreux dessein te fasse un désaveu ?
1125Je t’acquis par dépit, et perdrois avec joie.
Mon désespoir à tous m’abandonnoit en proie,
Et lorsque d’Alidor je me vis outrager,
Je fis armes de tout afin de me venger.

    Remettant mon bonheur ainsi sur un peut-être.
    ALID. Encor que mon amour appréhende pour vous,
    Puisque vous le voulez, eh bien ! je m’y résous :
    Fuyons, hasardons tout. Mais on ouvre la porte. (1637-57)