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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/300

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ACTE V.


Scène première.

CLÉANDRE, PHYLIS.
CLÉANDRE.

Accordez-moi ma grâce avant qu’entrer chez vous.

PHYLIS.

Vous voulez donc enfin d’un bien commun à tous ?
Craignez-vous qu’à vos feux ma flamme ne réponde ?
1215Et puis-je vous haïr, si j’aime tout le monde[1] ?

CLÉANDRE.

Votre bel esprit raille, et pour moi seul cruel,
Du rang de vos amants sépare un criminel :
Toutefois mon amour n’est pas moins légitime,
Et mon erreur du moins me rend vers vous sans crime.
1220Soyez, quoi qu’il en soit, d’un naturel plus doux :
L’amour a pris le soin de me punir pour vous ;
Les traits que cette nuit il trempoit de vos larmes[2]
Ont triomphé d’un cœur invincible à vos charmes.

PHYLIS.

Puisque vous ne m’aimez que par punition,
1225Vous m’obligez fort peu de cette affection.

CLÉANDRE.

Après votre beauté sans raison négligée,
Il me punit bien moins qu’il ne vous a vengée.

  1. Var. Et vous puis-je haïr si j’aime tout le monde ? (1637-57)
  2. Var. Les traits que cette nuit il trempoit dans vos larmes. (1637-68)