Avez-vous jamais vu dessein plus renversé ?
Quand j’ai la force en main, je me trouve forcé ;
Je crois prendre une fille, et suis pris par une autre[1] ;
J’ai tout pouvoir sur vous, et me remets au vôtre ;
Angélique me perd, quand je crois l’acquérir ;
Je gagne un nouveau mal, quand je pense guérir.
Dans un enlèvement je hais la violence ;
Je suis respectueux après cette insolence ;
Je commets un forfait, et n’en saurois user ;
Je ne suis criminel que pour m’en accuser.
Je m’expose à ma peine, et négligeant ma fuite[2],
Aux vôtres offensés j’épargne la poursuite[3].
Ce que j’ai pu ravir, je viens le demander ;
Et pour vous devoir tout, je veux tout hasarder.
Vous ne me devrez rien, du moins si j’en suis crue[4] ;
Et si mes propres yeux vous donnent dans la vue,
Si votre propre cœur soupire après ma main,
Vous courez grand hasard de soupirer en vain.
- ↑ Var. Je crois prendre une fille, et suis pris par un autre. (1637-52 et 57)
- ↑ Var. Je m’expose à ma peine et néglige ma fuite. (1660)
- ↑ Var. Je m’offre à des périls que tout le monde évite.
Ce que j’ai pu ravir, je le viens demander. (1637-57) - ↑ Var. [Nous ne me devrez rien, du moins si j’en suis crue.]
CLÉAND. Mais après le danger où vous vous êtes vue,
Malgré tous vos mépris, les soins de votre honneur
Vous doivent désormais résoudre à mon bonheur.
La moitié d’une nuit passée en ma puissance
À d’étranges soupçons porte la médisance.
Cela su, présumez comme on pourra causer.
PHYL. Pour étouffer ce bruit il vous faut épouser,
Non pas ? Mais au contraire, après ce mariage,
On présumeroit tout à mon désavantage,
Et vous voir refusé fera mieux croire à tous
Qu’il ne s’est rien passé qu’à propos entre nous (a),
[Toutefois après tout, mon humeur est si bonne.] (1637-57)
(a) Qu’il ne s’est rien passé que de juste entre nous. (1644-57)