Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/306

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Scène IV.

DORASTE, LYCANTE.
DORASTE.

Ne sollicite plus mon âme refroidie :
1335Je méprise Angélique après sa perfidie ;
Mon cœur s’est révolté contre ses lâches traits,
Et qui n’a point de foi n’a point pour moi d’attraits.
Veux-tu qu’on me trahisse, et que mon amour dure ?
J’ai souffert sa rigueur, mais je hais son parjure,
1340Et tiens sa trahison indigne à l’avenir
D’occuper aucun lieu dedans mon souvenir.
Qu’Alidor la possède ; il est traître comme elle :
Jamais pour ce sujet nous n’aurons de querelle.
Pourrois-je avec raison lui vouloir quelque mal[1]
1345De m’avoir délivré d’un esprit déloyal ?
Ma colère l’épargne, et n’en veut qu’à Cléandre :
Il verra que son pire étoit de se méprendre ;
Et si je puis jamais trouver ce ravisseur,
Il me rendra soudain et la vie et ma sœur[2].

(a) Le verbe est au pluriel dans toutes les éditions indiquées.

  1. Var. J’aurois peu de raison de lui vouloir du mal
    Pour m’avoir délivré d’un esprit déloyal. (1635-57)
  2. Var. [Il me rendra soudain et la vie et ma sœur.]
    LYC. Écoutez un peu moins votre âme généreuse :
    Que feriez-vous par là qu’une sœur malheureuse ?
    Les soins de son honneur que vous devez avoir,
    Pour d’autres intérêts vous doivent émouvoir.
    Après que par hasard Cléandre l’a ravie,
    Elle perdroit l’honneur s’il en perdoit la vie.
    On la croiroit son reste, et pour la posséder
    Peu d’amants, sur ce bruit, se voudroient hasarder.
    Faites mieux : votre sœur à peine peut prétendre
    [Une fortune égale à celle de Cléandre : ]
    Que l’excès de ses biens vous le rendent (a) chéri,