Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/312

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C’est là que, loin du monde et de sa vaine pompe,
1455Je n’aurai qui tromper, non plus que qui me trompe.

ALIDOR.

Mon souci !

ANGÉLIQUE.

Mon souci ! Tes soucis doivent tourner ailleurs.

PHYLIS, à Angélique.

De grâce, prends pour lui des sentiments meilleurs.

DORASTE, à Phylis.

Nous leur nuisons, ma sœur ; hors de notre présence
Elle se porteroit à plus de complaisance ;
1460L’amour seul, assez fort pour la persuader,
Ne veut point d’autres tiers à les raccommoder[1].

CLÉANDRE, à Doraste.

Mon amour, ennuyé des yeux de tant de monde,
Adore la raison où votre avis se fonde.
Adieu, belle Angélique, adieu : c’est justement
1465Que votre ravisseur vous cède à votre amant.

DORASTE, à Angélique.

Je vous eus par dépit, lui seul il vous mérite ;
Ne lui refusez point ma part que je lui quitte.

PHYLIS.

Si tu t’aimes, ma sœur, fais-en autant que moi[2],
Et laisse à tes parents à disposer de toi.
1470Ce sont des jugements imparfaits que les nôtres :
Le cloître a ses douceurs, mais le monde en a d’autres,
Qui pour avoir un peu moins de solidité,
N’accommodent que mieux notre instabilité[3].
Je crois qu’un bon dessein dans le cloître te porte ;
1475Mais un dépit d’amour n’en est pas bien la porte,

  1. Var. Ne veut point d’autre tiers pour les raccommoder. (1657)
  2. Var. Si tu m’aimes, ma sœur, fais-en autant que moi. (1654)
  3. Var. N’accommodent que mieux notre fragilité. (1637-57)