Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/345

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

me parlez si avantageusement, et que j’ai admiré autant de fois que je l’ai ouï. Il est vrai que dans la représentation de ces trois héros, il suffit qu’il soit le digne organe de trois excellents esprits qui leur ont rendu la vie ; mais il est vrai aussi que la grâce dont il prononce, donne un degré de bonté aux vers qu’ils ne peuvent recevoir des poètes vulgaires. Ils ont donc quelquefois plus d’obligation à celui qui les récite qu’à celui qui les a faits, et ce second père, pour le dire ainsi, les purge par son adoption de tous les vices de leur naissance. Le son de sa voix, accompagné de la dignité de ses gestes, annoblit les plus communes et les plus viles conceptions. Il n’est point d’âme si bien fortifiée contre les objets des sens, à qui il ne fasse violence, ni de jugement si fin, qui se puisse garantir de l’imposture de sa parole. De sorte que s’il y a en ce monde quelque félicité pour les vers, il faut avouer qu’elle est dans sa bouche et dans son récit ; et que comme les mauvaises choses y prennent l’apparence du bien, les bonnes y trouvent leur perfection. » Ce passage, dont on n’a point profité jusqu’ici, nous offre des renseignements assez curieux. Il nous apprend que Mondory a joué d’original Massinisse dans la Sophonisbe de Mairet, représentée pour la première fois en 162g, Jason dans la Médée de Corneille, et Brute dans la Mort de César de Scudéry ; il nous prouve en outre que le 3 avril 1635 ces deux dernières pièces avaient déjà été représentées. Or les frères Parfait, et à leur suite tous les historiens de notre théâtre, placent la seconde en 1636.

Malgré ses défauts, Médée semblait plus digne d’accompagner le Cid que la Galerie du Palais, la Place Royale ou la Suivante. Elle ne fut pourtant imprimée que deux ans plus tard, en 1639.

L’édition originale in-4o forme un volume de 4 feuillets liminaires et de 95 pages, dont voici le titre : « IMedée, Tragédie. À Paris, chez François Targa.... M.DC.XXXIX. y^wec yy/vWlege du Roy. » L’achevé d’imprimer est du 16 mars.

La Médée de Longepierre, représentée en 1694, s’est maintenue au répertoire pendant tout le cours du siècle dernier, et a fait complètement oublier celle de Corneille.