Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/395

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Et voir les purs motifs de ma nouvelle flamme !
Les tendres sentiments d’un amour paternel
Pour sauver mes enfants me rendent criminel,
Si l’on peut nommer crime un malheureux divorce,
Où le soin que j’ai d’eux me réduit et me force.
Toi-même, furieuse, ai-je peu fait pour toi
D’arracher ton trépas aux vengeances d’un roi ?
Sans moi ton insolence allait être punie ;
À ma seule prière on ne t’a que bannie.
C’est rendre la pareille à tes grands coups d’effort :
Tu m’as sauvé la vie, et j’empêche ta mort.

Médée.

On ne m’a que bannie ! ô bonté souveraine !
C’est donc une faveur, et non pas une peine !
Je reçois une grâce au lieu d’un châtiment !
Et mon exil encor doit un remerciement !
Ainsi l’avare soif du brigand assouvie,
Il s’impute à pitié de nous laisser la vie ;
Quand il n’égorge point, il croit nous pardonner,
Et ce qu’il n’ôte pas, il pense le donner.

Jason.

Tes discours, dont Créon de plus en plus s’offense,
Le forceraient enfin à quelque violence.
Eloigne-toi d’ici tandis qu’il t’est permis :
Les rois ne sont jamais de faibles ennemis.