Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/425

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Comme un lâche témoin, ton indigne trépas :
Il faut, ma fille, il faut que ma main me délivre
De l’infâme regret de t’avoir pu survivre.
Invisible ennemi, sors avecque mon sang.
(Il se tue avec un poignard.)

Créuse.

Courez à lui, Cléone ; il se perce le flanc.

Créon.

Retourne ; c’en est fait. Ma fille, adieu ; j’expire,
Et ce dernier soupir met fin à mon martyre :
Je laisse à ton Jason le soin de nous venger.

Créuse.

Vain et triste confort ! soulagement léger !
Mon père…

Cléone.

Mon père… Il ne vit plus ; sa grande âme est partie.

Créuse.

Donnez donc à la mienne une même sortie ;
Apportez-moi ce fer qui, de ses maux vainqueur,
Est déjà si savant à traverser le cœur.
Ah ! je sens fers, et feux, et poison tout ensemble ;
Ce que souffrait mon père à mes peines s’assemble.
Hélas ! que de douceurs aurait un prompt trépas !
Dépêchez-vous, Cléone, aidez mon faible bras.

Cléone.

Ne désespérez point : les dieux, plus pitoyables,
À nos justes clameurs se rendront exorables,
Et vous conserveront, en dépit du poison,
Et pour reine à Corinthe, et pour femme à Jason.
Il arrive, et surpris, il change de visage ;