Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/426

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Je lis dans sa pâleur une secrète rage,
Et son étonnement va passer en fureur.


Scène V.

Jason, Créuse, Cléone, Theudas.


Jason.

Que vois-je ici, grands dieux ! quel spectacle d’horreur !
Où que puissent mes yeux porter ma vue errante,
Je vois ou Créon mort, ou Créuse mourante.
Ne t’en va pas, belle âme, attends encore un peu,
Et le sang de Médée éteindra tout ce feu ;
Prends le triste plaisir de voir punir son crime,
De te voir immoler cette infâme victime ;
Et que ce scorpion, sur la plaie écrasé,
Fournisse le remède au mal qu’il a causé.

Créuse.

Il n’en faut point chercher au poison qui me tue :
Laisse-moi le bonheur d’expirer à ta vue,
Souffre que j’en jouisse en ce dernier moment :
Mon trépas fera place à ton ressentiment ;
Le mien cède à l’ardeur dont je suis possédée ;
J’aime mieux voir Jason que la mort de Médée.
Approche, cher amant, et retiens ces transports :
Mais garde de toucher ce misérable corps ;
Ce brasier, que le charme ou répand ou modère,
A négligé Cléone, et dévoré mon père :
Au gré de ma rivale il est contagieux.
Jason, ce m’est assez de mourir à tes yeux :
Empêche les plaisirs qu’elle attend de ta peine ;