Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/428

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Vis pour sauver ton nom de cette ignominie
Que Créuse soit morte, et Médée impunie ;
Vis pour garder le mien en ton cœur affligé,
Et du moins ne meurs point que tu ne sois vengé.
Adieu : donne la main ; que, malgré ta jalouse,
J’emporte chez Pluton le nom de ton épouse.
Ah, douleurs ! C’en est fait, je meurs à cette fois,
Et perds en ce moment la vie avec la voix.
Si tu m’aimes…

Jason.

Si tu m’aimes… Ce mot lui coupe la parole ;
Et je ne suivrai pas son âme qui s’envole !
Mon esprit, retenu par ses commandements,
Réserve encor ma vie à de pires tourments !
Pardonne, chère épouse, à mon obéissance ;
Mon déplaisir mortel défère à ta puissance,
Et de mes jours maudits tout prêt de triompher,
De peur de te déplaire, il n’ose m’étouffer.
Ne perdons point de temps, courons chez la sorcière
Délivrer par sa mort mon âme prisonnière.
Vous autres, cependant, enlevez ces deux corps :
Contre tous ses démons mes bras sont assez forts,
Et la part que votre aide aurait en ma vengeance
Ne m’en permettait pas une entière allégeance.
Préparez seulement des gênes, des bourreaux ;
Devenez inventifs en supplices nouveaux,
Qui la fassent mourir tant de fois sur leur tombe,
Que son coupable sang leur vaille une hécatombe ;
Et si cette victime, en mourant mille fois,