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438 L’ILLUSION.

Mes soins et mes travaux verront, sans aucun fruit,
Clore mes tristes jours d’une éternelle nuit.

Dorante

Depuis que j’ai quitté le séjour de Bretagne
Pour venir faire ici le noble de campagne,
Et que deux ans d’amour, par une heureuse fin,
M’ont acquis Sylvérie et ce château voisin,
De pas un, que je sache, il n’a déçu l’attente :
Quiconque le consulte en sort l’âme contente.
Croyez-moi, son secours n’est pas à négliger :
D’ailleurs, il est ravi quand il peut m’obliger,
Et j’ose me vanter qu’un peu de mes prières
Vous obtiendra de lui des faveurs singulières.

Pridamant

Le sort m’est trop cruel pour devenir si doux.

Dorante

Espérez mieux : il sort, et s’avance vers nous.
Regardez-le marcher ; ce visage si grave,
Dont le rare savoir tient la nature esclave,
N’a sauvé toutefois des ravages du temps
Qu’un peu d’os et de nerfs qu’ont décharnés cent ans ;
Son corps, malgré son âge, a les forces robustes,
Le mouvement facile, et les démarches justes :
Des ressorts inconnus agitent le vieillard,
Et font de tous ses pas des miracles de l’art.


Scène II


 

ALCANDRE, PRIDAMANT, DORANTE


DORANTE

Grand démon du savoir, de qui les doctes veilles


 1. Var. Espérez mieux : il sort, et s’avance vers vous. (1639)
2. L’édition de 1639 donne, par erreur sans doute, ces pas, pour ses pas.
Un peu plus bas, au vers 98, il y a de même ces bras, pour ses bras.