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440 L’ILLUSION.

L’amour pour le trouver me fournira des ailes.
Où fait-il sa retraite ? en quels lieux dois-je aller ?
Fût-il au bout du monde, on m’y verra voler.

Alcandre

Commencez d’espérer ; vous saurez par mes charmes
Ce que le ciel vengeur refusait à vos larmes.
Vous reverrez ce fils plein de vie et d’honneur :
De son bannissement il tire son bonheur.
C’est peu de vous le dire : en faveur de Dorante
Je veux vous faire voir sa fortune éclatante.
Les novices de l’art, avec tous leurs encens,
Et leurs mots inconnus, qu’ils feignent tout puissants.
Leurs herbes, leurs parfums et leurs cérémonies,
Apportent au métier des longueurs infinies,
Qui ne sont, après tout, qu’un mystère pipeur
Pour se faire valoir, et pour vous faire peur :
Ma baguette à la main, j’en ferai davantage.
(Il donne un coup de baguette, et on tire un rideau, derrière lequel sont en parade les plus beaux habits des comédiens.)
Jugez de votre fils par un tel équipage :
Eh bien, celui d’un prince a-t-il plus de splendeur ?
Et pouvez-vous encor douter de sa grandeur ?


1. Var. Je veux vous faire voir sa fortune éclatante. (1639-64)
2. Var. Les novices de l’art, avecque leurs encens. (1639-57)
3. L’édition originale (1639) nous offre ici une variante qui pourrait s’expliquer, mais qui est corrigée comme une faute dans l’errata :

Leurs herbes, fleurs, parfums et leurs cérémonies.

4. Var. Pour les faire valoir et pour vous faire peur. (1639)
5. Chapuzeau, dans un chapitre de son Théâtre françois qui a pour titre :
Grande dépense en habits (p. 170), nous donne quelques détails qui prouvent que Pridamant parle ici sans aucune exagération : « Cet article de la dépense
des comédiens est plus considérable qu’on ne s’imagine. Il y a peu de pièces nouvelles qui ne leur coûtent de nouveaux ajustements, et le faux or ni le faux argent qui rougissent bientôt n’y étant pas employés, un seul habit à la romaine ira souvent à cinq cents écus. Ils aiment mieux user de ménage en toute autre chose pour donner plus de contentement au public, et il y a tel comédien dont l’équipage vaut plus de dix mille francs. Il est vrai que lors