Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/461

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ACTE II, SCÈNE II. 447

Lequel je dois des deux le premier mettre en poudre, Du grand sophi de Perse, ou bien du grand mogor.

Clindor

Eh ! de grâce, Monsieur, laissez-les vivre encor: Qu’ajouteroit leur perte à votre renommée ? D’ailleurs, quand auriez-vous rassemblé votre armée ?

Matamore

Mon armée ? Ah, poltron ! Ah, traître ! pour leur mort Tu crois donc que ce bras ne soit pas assez fort ? Le seul bruit de mon nom renverse les murailles, Défait les escadrons, et gagne les batailles. Mon courage invaincu contre les empereurs N’arme que la moitié de ses moindres fureurs ; D’un seul commandement que je fais aux trois Parques, Je dépeuple l’État des plus heureux monarques ; Le foudre est mon canon, les Destins mes soldats : Je couche d’un revers mille ennemis à bas. D’un souffle je réduis leurs projets en fumée ; Et tu m’oses parler cependant d’une armée ! Tu n’auras plus l’honneur de voir un second Mars : Je vais t’assassiner d’un seul de mes regards, Veillaque. Toutefois, je songe à ma maîtresse : Ce penser m’adoucit : va, ma colère cesse, Et ce petit archer qui dompte tous les Dieux Vient de chasser la mort qui logeait dans mes yeux. Regarde, j’ai quitté cette effroyable mine Qui massacre, détruit, brise, brûle, extermine ; Et pensant au bel œil qui tient ma liberté, Je ne suis plus qu’amour, que grâce, que beauté.


1. Var. Et puis quand auriez-vous rassemblé votre armée ? (1639-57) 2. Voyez la Notice, p. 423. 3. De l’espagnol bellaco, vellaco, maraud, coquin. 4. Var. Le penser m’adoucit : va, ma colère cesse. (1639)