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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/462

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448 L’ILLUSION.


Clindor

O Dieux ! en un moment que tout vous est possible !
Je vous vois aussi beau que vous étiez terrible,
Et ne crois point d’objet si ferme en sa rigueur,
Qu’il puisse constamment vous refuser son cœur.

Matamore

Je te le dis encor, ne sois plus en alarme :
Quand je veux, j’épouvante ; et quand je veux, je charme ;
Et, selon qu’il me plaît, je remplis tour à tour
Les hommes de terreur, et les femmes d’amour.
xxDu temps que ma beauté m’étoit inséparable,
Leurs persécutions me rendoient misérable :
Je ne pouvois sortir sans les faire pâmer.
Mille mouroient par jour à force de m’aimer :
J’avois des rendez-vous de toutes les princesses ;
Les reines à l’envi, mendioient mes caresses ;
Celle d’Éthiopie, et celle du Japon,
Dans leurs soupirs d’amour ne mêloient que mon nom.
De passion pour moi deux sultanes troublèrent ;
Deux autres, pour me voir, du sérail s’échappèrent :
J’en fus mal quelque temps avec le Grand Seigneur.

Clindor

Son mécontentement n’alloit qu’à votre honneur.

Matamore

Ces pratiques nuisaient à mes desseins de guerre,
Et pouvoient m’empêcher de conquérir la terre.
D’ailleurs, j’en devins las ; et pour les arrêter,
J’envoyai le Destin dire à son Jupiter
Qu’il trouvât un moyen qui fît cesser les flammes
Et l’importunité dont m’accabloient les dames :


 1. Var. Je vous vois aussi beau que vous êtes terrible. (1639)
2.Var. Qui puisse constamment vous refuser son cœur. (1639)
3. Troubler, neutralement, pour se troubler.
4. Les éditions de 1644-57 ont que, au lieu de qui, ce qui fait une leçon vide de sens. :