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450 L'ILLUSION.

MATAMORE.


Matamore

Au milieu de ma chambre, à m’offrir ses beautés.
Elle y perdit son temps, elle y perdit ses larmes ;
Mon cœur fut insensible à ses plus puissants charmes ;
Et tout ce qu’elle obtint pour son frivole amour
Fut un ordre précis d’aller rendre le jour.

Clindor

Cet étrange accident me revient en mémoire ;
J’étois lors en Mexique, où j’en appris l’histoire,
Et j’entendis conter que la Perse en courroux
De l’affront de son dieu murmuroit contre vous.

Matamore

J’en ouïs quelque chose, et je l’eusse punie ;
Mais j’étois engagé dans la Transylvanie,
Où ses ambassadeurs, qui vinrent l’excuser,
À force de présents me surent apaiser.

Clindor

Que la clémence est belle en un si grand courage !

Matamore

Contemple, mon ami, contemple ce visage :
Tu vois un abrégé de toutes les vertus.
D’un monde d’ennemis sous mes pieds abattus,
Dont la race est périe, et la terre déserte,
Pas un qu’à son orgueil n’a jamais dû sa perte.
Tous ceux qui font hommage à mes perfections
Conservent leurs États par leurs submissions.
En Europe, où les rois sont d’une humeur civile,
Je ne leur rase point de château ni de ville :
Je les souffre régner : mais chez les Africains,

MAT. Parbieu je la tenois encore à mes côtés.
Aucun n’osa jamais la chercher dans ma chambre,
Et le dernier de juin fut un jour de décembre ;
Car enfin, supplié par le Dieu du sommeil.
Je la rendis au monde, et l’on vit le soleil. (1639-57)
1. Var. Et tout ce qu’elle obtint par son frivole amour. (1660-68)