Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 2.djvu/466

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

452 L’ILLUSION.



Scène III

Adraste, Isabelle
Adraste

Hélas ! s’il est ainsi, quel malheur est le mien !
Je soupire, j’endure, et je n’avance rien ;
Et malgré les transports de mon amour extrême,
Vous ne voulez pas croire encor que je vous aime.

Isabelle

Je ne sais pas, Monsieur, de quoi vous me blâmez.
Je me connois aimable, et crois que vous m’aimez :
Dans vos soupirs ardents j’en vois trop d’apparence ;
Et quand bien de leur part j’aurois moins d’assurance,
Pour peu qu’un honnête homme ait vers moi de crédit,
Je lui fais la faveur de croire ce qu’il dit.
Rendez-moi la pareille ; et puisqu’à votre flamme
Je ne déguise rien de ce que j’ai dans l’âme,
Faites-moi la faveur de croire sur ce point
Que bien que vous m’aimiez, je ne vous aime point.

Adraste

Cruelle, est-ce là donc ce que vos injustices
Ont réservé de prix à de si longs services ?
Et mon fidèle amour est-il si criminel
Qu’il doive être puni d’un mépris éternel ?

Isabelle

Nous donnons bien souvent de divers noms aux choses :
Des épines pour moi, vous les nommez des roses ;
Ce que vous appelez service, affection,
Je l’appelle supplice et persécution.
Chacun dans sa croyance également s’obstine.


 1. L’édition de 1682 porte, par erreur, vers vous, pour vers moi.
2. Dans l’édition de 1639, le vers commence ainsi : « Cruelle, c’est là donc, etc. ; » mais l’errata y substitue : « Cruelle, est-ce là donc, etc. ? »