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ACTE II, SCÈNE III. 453

Vous pensez m’obliger d’un feu qui m’assassine ;
Et ce que vous jugez digne du plus haut prix
Ne mérite, à mon gré, que haine et que mépris.

Adraste.

N’avoir que du mépris pour des flammes si saintes
Dont j’ai reçu du ciel les premières atteintes !
Oui, le ciel, au moment qu’il me fit respirer,
Ne me donna de cœur que pour vous adorer.
Mon âme vint au jour pleine de votre idée ;
Avant que de vous voir vous l’avez possédée ;
Et quand je me rendis à des regards si doux,
Je ne vous donnai rien qui ne fût tout à vous.
Rien que l’ordre du ciel n’eût déjà fait tout vôtre.

Isabelle

Le ciel m’eût fait plaisir d’en enrichir une autre ;
Il vous fit pour m’aimer, et moi pour vous haïr :
Gardons-nous bien tous deux de lui désobéir.
Vous avez, après tout, bonne part à sa haine,
Ou d’un crime secret il vous livre à la peine ;
Car je ne pense pas qu’il soit tourment égal
Au supplice d’aimer qui vous traite si mal.

. 1. Var. Et la même action, à votre sentiment,
Mérite récompense, au mien un châtiment.
ADR. Donner un châtiment à des flammes si saintes. (1639-57)
2. Var. Ne me donna du cœur que pour vous adorer. (1639)
3. Var. Mon âme prit naissance avecque votre idée. (1639-57)
4. Var. Et les premiers regards dont m’aient frappé vos jeux
N’ont fait qu’exécuter l’ordonnance des cieux,
Que vous saisir d’un bien qu’ils avoient fait tout vôtre. (1639-57)
5. Var. Le ciel m’eût fait plaisir d’en enrichir un autre (a). (1639-60)
6. Var. Après tout, vous avez bonne part à sa haine,
Ou de quelque grand crime il vous donne la peine ;
Car je ne pense pas qu’il soit supplice égal
D’être forcé d’aimer qui vous traite si mal.
ADR. Puisque ainsi vous jugez que ma peine est si dure,
Prenez quelque pitié des tourments que j’endure. (1639-57)


a) Voyez tome 1, p. 228, note 3.