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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/111

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EXAMEN.

qui convienne à toutes[1]. Le Comte et don Diègue se querellent au sortir du palais ; cela se peut passer dans une rue ; mais après le soufflet reçu, don Diègue ne peut pas demeurer en cette rue à faire ses plaintes, attendant que son fils survienne, qu’il ne soit tout aussitôt environné de peuple, et ne reçoive l’offre de quelques amis. Ainsi il seroit plus à propos qu’il se plaignît dans sa maison, où le met l’Espagnol[2], pour laisser aller ses sentiments en liberté ; mais en ce cas il faudroit délier les scènes comme il a fait. En l’état où elles sont ici, on peut dire qu’il faut quelquefois aider au théâtre, et suppléer favorablement ce qui ne s’y peut représenter. Deux personnes s’y arrêtent pour parler, et quelquefois il faut présumer qu’ils marchent, ce qu’on ne peut exposer sensiblement à la vue, parce qu’ils échapperoient aux yeux avant que d’avoir pu dire ce qu’il est nécessaire qu’ils fassent savoir à l’auditeur. Ainsi, par une fiction de théâtre, on peut s’imaginer que don Diègue et le Comte, sortant du palais du Roi, avancent toujours en se querellant, et sont arrivés devant la maison de ce premier lorsqu’il reçoit le

  1. Ailleurs Corneille a déjà dit la même chose, mais en précisant un peu plus : « Le Cid multiplie encore davantage les lieux particuliers sans quitter Séville ; et comme la liaison de scènes n’y est pas gardée, le théâtre, dès le premier acte, est la maison de Chimène, l’appartement de l’Infante dans le palais du Roi, et la place publique ; le second y ajoute la chambre du Roi ; et sans doute il y a quelque excès dans cette licence. » (Discours des trois unités, tome I, p. 120.) On doit bien penser que Scudéry ne manqua pas d’insister sur cette irrégularité : « Le théâtre, dit-il, en est si mal entendu, qu’un même lieu représentant l’appartement du Roi, celui de l’Infante, la maison de Chimène et la rue, presque sans changer de face, le spectateur ne sait le plus souvent où en sont les acteurs. » (Fautes remarquées dans la tragi-comédie du Cid, p. 29.) — Actuellement on change les décorations. Voyez la Notice, p. 52.
  2. Voyez las Mocedades del Cid, au deuxième tiers de la première journée.