Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/112

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soufflet qui l’oblige à y entrer pour y chercher du secours. Si cette fiction poétique ne vous satisfait point, laissons-le dans la place publique, et disons que le concours du peuple autour de lui après cette offense, et les offres de service que lui font les premiers amis qui s’y rencontrent, sont des circonstances que le roman ne doit pas oublier ; mais que ces menues actions ne servant de rien à la principale, il n’est pas besoin que le poëte s’en embarrasse sur la scène. Horace l’en dispense par ces vers :

Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor ;
Pleraque negligat[1].


Et ailleurs :

Semper ad eventum festinet[2].


C’est ce qui m’a fait négliger, au troisième acte, de donner à don Diègue, pour aide à chercher son fils, aucun des cinq cents amis qu’il avoit chez lui. Il y a grande apparence que quelques-uns d’eux l’y accompagnoient, et même que quelques autres le cherchoient pour lui d’un autre côté ; mais ces accompagnements inutiles de personnes qui n’ont rien à dire, puisque celui qu’ils accompagnent a seul tout l’intérêt à l’action, ces sortes d’accompagnements, dis-je, ont toujours mauvaise grâce au théâtre, et d’autant plus que les comédiens n’emploient à ces personnages muets que leurs moucheurs de chandelles et leurs valets, qui ne savent quelle posture tenir.

  1. Voici le vrai texte de ce passage (Art poétique, vers 44 et 45) :

    Pleraque differat, et præsens in tempus omittat ;
    Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor.

  2. Ici Corneille a changé le mode du verbe pour faire mieux concorder les deux citations. Il y a dans l’Art poétique (vers 148) :

    Semper ad eventum festinat.