Et de là prend son cours mon déplaisir secret.
Je vois avec chagrin que l’amour me contraigne[1]
À pousser des soupirs pour ce que je dédaigne ;
Je sens en deux partis mon esprit divisé :
Si mon courage est haut, mon cœur est embrasé ;
Cet hymen m’est fatal, je le crains, et souhaite :
Je n’ose en espérer qu’une joie imparfaite[2].
Ma gloire et mon amour ont pour moi tant d’appas,
Que je meurs s’il s’achève ou ne s’achève pas.
Sinon que de vos maux avec vous je soupire :
Je vous blâmois tantôt, je vous plains à présent ;
Mais puisque dans un mal si doux et si cuisant
Votre vertu combat et son charme et sa force,
En repousse l’assaut, en rejette l’amorce,
Elle rendra le calme à vos esprits flottants.
Espérez donc tout d’elle, et du secours du temps ;
Espérez tout du ciel ; il a trop de justice
Pour laisser la vertu dans un si long supplice[3].
Ma plus douce espérance est de perdre l’espoir.
Par vos commandements Chimène vous vient voir.
Allez l’entretenir en cette galerie.
Voulez-vous demeurer dedans la rêverie ?
- ↑ Var. Je suis au désespoir que l’amour me contraigne. (1637-60)
- ↑ Var. Je ne m’en promets rien qu’une joie imparfaite.
Ma gloire et mon amour ont tous deux tant d’appas,
Que je meurs s’il s’achève et ne s’achève pas. (1637-56 - ↑ Var. Pour souffrir la vertu si longtemps au supplice. (1637-56)
- ↑ Les mots à Léonor manquent dans les éditions de 1637-44.