Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/152

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Et faire un attentat sur le pouvoir suprême.
N’en parlons plus. Au reste, on a vu dix vaisseaux
De nos vieux ennemis arborer les drapeaux ;
Vers la bouche du fleuve ils ont osé paroître.

Don Arias.

Les Mores ont appris par force à vous connoître,
Et tant de fois vaincus, ils ont perdu le cœur
De se plus hasarder contre un si grand vainqueur.

Don Fernand.

Ils ne verront jamais sans quelque jalousie
Mon sceptre, en dépit d’eux, régir l’Andalousie ;
Et ce pays si beau, qu’ils ont trop possédé,
Avec un œil d’envie est toujours regardé.
C’est l’unique raison qui m’a fait dans Séville
Placer depuis dix ans le trône de Castille[1],
Pour les voir de plus près, et d’un ordre plus prompt
Renverser aussitôt ce qu’ils entreprendront.

Don Arias.

Ils savent aux dépens de leurs plus dignes têtes[2]
Combien votre présence assure vos conquêtes :
Vous n’avez rien à craindre.

Don Fernand.

Vous n’avez rien à craindre. Et rien à négliger :
Le trop de confiance attire le danger ;
Et vous n’ignorez pas qu’avec fort peu de peine[3]

    Et ce pays si beau que j’ai conquis sur eux
    Réveille à tous moments leurs desseins généreux.
    [C’est l’unique raison qui m’a fait dans Séville.] (1637-56)


    (a) Ces deux vers sont un peu plus bas dans les éditions de 1660-82.

  1. Voyez ci-dessus, p. 97.
  2. Var. Sire, ils ont trop appris aux dépens de leurs têtes. (1637-56)
  3. Var. Et le même ennemi que l’on vient de détruire,
    S’il sait prendre son temps, est capable de nuire.
    Don Alonse revient (a). (1637-56)

    (a) Ce jeu de scène manque dans les éditions de 1637 in-12 et de 1638. — Il se trouve six vers plus bas dans l’édition de 1644 in-12.