Son ange tutélaire, et son libérateur.
Et le Roi, de quel œil voit-il tant de vaillance ?
Rodrigue n’ose encor paroître en sa présence ;
Mais don Diègue ravi lui présente enchaînés,
Au nom de ce vainqueur, ces captifs couronnés,
Et demande pour grâce à ce généreux prince
Qu’il daigne voir la main qui sauve la province[1].
Mais n’est-il point blessé ?
Vous changez de couleur ! reprenez vos esprits.
Reprenons donc aussi ma colère affoiblie :
Pour avoir soin de lui faut-il que je m’oublie ?
On le vante, on le loue, et mon cœur y consent !
Mon honneur est muet, mon devoir impuissant !
Silence, mon amour, laisse agir ma colère :
S’il a vaincu deux rois, il a tué mon père[2] ;
Ces tristes vêtements, où je lis mon malheur,
Sont les premiers effets qu’ait produits[3] sa valeur ;
Et quoi qu’on die ailleurs d’un cœur si magnanime[4],
Ici tous les objets me parlent de son crime.
Vous qui rendez la force à mes ressentiments,
Voiles[5], crêpes, habits, lugubres ornements,
Pompe que me prescrit sa première victoire[6],
Contre ma passion soutenez bien ma gloire ;
- ↑ Var. Qu’il daigne voir la main qui sauve sa province. (1637-56)
- ↑ Var. S’il a vaincu les rois, il a tué mon père. (1637 in-12)
- ↑ Toutes les éditions portent : qu’ait produit, sans accord.
- ↑ Var. Et combien que pour lui tout un peuple s’anime. (1637-56)
- ↑ Voile est au singulier dans les éditions antérieures à 1664.
- ↑ Var. Pompe où m’ensevelit sa première victoire. (1637-56)