Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Don Fernand.

J’excuse ta chaleur à venger ton offense[1] ;
Et l’État défendu me parle en ta défense :
Crois que dorénavant Chimène a beau parler,
Je ne l’écoute plus que pour la consoler.
Mais poursuis.

Don Rodrigue.

Mais poursuis. Sous moi donc cette troupe s’avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage[2],
Les plus épouvantés reprenoient de courage[3] !
J’en cache les deux tiers, aussitôt qu’arrivés,
Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés ;
Le reste, dont le nombre augmentoit à toute heure,
Brûlant d’impatience autour de moi demeure,
Se couche contre terre, et sans faire aucun bruit,
Passe une bonne part d’une si belle nuit.
Par mon commandement la garde en fait de même,
Et se tenant cachée, aide à mon stratagème[4] ;
Et je feins hardiment d’avoir reçu de vous
L’ordre qu’on me voit suivre et que je donne à tous.
EnCette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles[5] ;
L’onde s’enfle dessous, et d’un commun effort
Les Mores et la mer montent jusques au port.

  1. Var. J’excuse ta chaleur à venger une offense. (1638 L.)
  2. Var. Tant, à nous voir marcher en si bon équipage. (1637-56)
  3. Var. Les plus épouvantés reprenoient le courage ! (1638 L., 39 et 44-in-4°)
    ---Var. Les plus épouvantés reprenoient du courage ! (1644 in-12)
  4. Var. Et se tenant cachée, aide mon stratagème. (1637 in-12)
  5. Var. Enfin avec le flux nous fit voir trente voiles ;
    ---L’onde s’enfloit dessous, et d’un commun effort
    ---Les Mores et la mer entrèrent dans le port. (1637-60)