On les laisse passer ; tout leur paroît tranquille ;
Point de soldats au port, point aux murs de la ville.
Notre profond silence abusant leurs esprits,
Ils n’osent plus douter de nous avoir surpris ;
Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent,
Et courent se livrer aux mains qui les attendent.
Nous nous levons alors, et tous en même temps
Poussons jusques au ciel mille cris éclatants.
Les nôtres, à ces cris, de nos vaisseaux répondent[1] ;
Ils paroissent armés, les Mores se confondent,
L’épouvante les prend à demi descendus ;
Avant que de combattre, ils s’estiment perdus.
Ils couroient au pillage, et rencontrent la guerre ;
Nous les pressons sur l’eau, nous les pressons sur terre,
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,
Avant qu’aucun résiste, ou reprenne son rang.
Mais bientôt, malgré nous, leurs princes les rallient ;
Leur courage renaît, et leurs terreurs s’oublient :
La honte de mourir sans avoir combattu
Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu[2].
Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges[3],
De notre sang au leur font d’horribles mélanges[4] ;
Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port,
Sont des champs de carnage où triomphe la mort[5].
Ô combien d’actions, combien d’exploits célèbres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres[6],
- ↑ Var. Les nôtres, au signal, de nos vaisseaux répondent. (1637-56)
- ↑ Var. Rétablit leur désordre, et leur rend leur vertu. (1637-56)
- ↑ Sorte de cimeterres. Voyez le Lexique.
- ↑ Var. Contre nous de pied ferme ils tirent les épées ;
Des plus braves soldats les trames sont coupées (a). (1637-63)
(a) Jolly fait remarquer, dans l’avertissement de l’édition de 1738 (p.xx), que les comédiens ont ici toujours adopté la variante de préférence au texte, sans doute afin d’éviter le mot alfange. Ils font encore de même aujourd’hui. - ↑ Var. Sont les champs de carnage où triomphe la mort. (1644 in-4o)
- ↑ Var. Furent ensevelis dans l’horreur des ténèbres. (1637-56)
