Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/20

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maintenant permis à personne de révoquer en doute la sincérité de Corneille, lorsqu’il déclare n’avoir eu d’autre guide que Guillem de Castro.

Mais ce premier point une fois mis hors de contestation, on voudrait avoir les détails les plus précis sur ce premier chef-d’œuvre de Corneille, et l’on ignore jusqu’à la date de sa représentation. Les frères Parfait se contentent de placer cet ouvrage le dernier parmi ceux de 1636, et c’est seulement à l’occasion de Cinna qu’ils nous disent : « Le Cid fut représenté vers la fin de novembre 1636[1]. »

L’immense supériorité de cette pièce sur toutes celles qui l’avaient précédée n’échappa point à Mondory ; il ne négligea rien pour que le jeu des acteurs, la beauté des costumes, l’exactitude de la mise en scène fussent dignes de l’œuvre : aussi le succès fut-il attribué uniquement aux comédiens par les ennemis de notre poète ; mais leurs accusations injustes renferment sur les premières représentations certains renseignements utiles à recueillir.

« Si votre poétique et jeune ferveur, dit Mairet[2] en se servant à dessein d’une expression employée dans le Cid[3] et critiquée par Scudéry, avoit tant d’envie de voir ses nobles journées sous la presse, comme vous êtes fort ingénieux, il falloit trouver invention d’y faire mettre aussi, tout du moins en taille-douce, les gestes, le ton de voix, la bonne mine et les beaux habits de ceux et celles qui les ont si bien représentées, puisque vous pouviez juger qu’ils faisoient la meilleure partie de la beauté de votre ouvrage, et que c’est proprement du Cid et des pièces de cette nature que M. de Balzac a voulu parler en la dernière de ses dernières lettres, quand il a dit du Roscius Auvergnac[4], que si les vers ont quelque souverain bien, c’est dans sa bouche qu’ils en jouissent, qu’ils sont plus obligés à celui qui les dit qu’à celui qui les a faits, et bref qu’il en est le second et le meilleur père, d’autant que par une favorable adoption il les purge pour ainsi dire des vices de leur

  1. Histoire du Théâtre françois, tome VI, p. 92.
  2. Épître familière, p. 17 et 18.
  3. Vers i des variantes : voyez plus loin, p. 103.
  4. Mondory.