Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/21

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naissance[1]. Un petit voyage en cette ville vous apprendra, si vous ne le savez déjà, que Rodrigue et Chimène tiendroient possible encore assez bonne mine entre les flambeaux du théâtre des Marais, s’ils n’eussent point eu l’effronterie de venir étaler leur blanc d’Espagne au grand jour de la Galerie du Palais[2]. »

Dans un autre libelle, imprimé à la suite de celui que nous venons de citer[3], la nouvelle pièce de Corneille est encore attaquée de la même manière : « Souvenez-vous que la conjoncture du temps, l’adresse et la bonté des acteurs, tant à la bien représenter qu’à la faire valoir par d’autres inventions étrangères, que le Sr de Mondory n’entend guère moins bien que son métier, ont été les plus riches ornements du Cid et les premières causes de sa fausse réputation. » Ce dernier passage est assez obscur : l’auteur veut-il parler seulement de l’habileté de Mondory pour la mise en scène, de son goût dans la disposition des décorations et le choix des costumes ? je ne le pense pas ; ces qualités, quoique ne faisant point nécessairement partie de l’art du comédien, sont loin toutefois d’y être étrangères. Je serais plutôt tenté de croire qu’il est question ici de l’adresse avec laquelle Mondory, dans un temps où la presse périodique, à peine née, ne s’occupait point de questions littéraires, savait intéresser les esprits délicats aux ouvrages importants qu’il faisait représenter, et, à l’aide de nouvelles adroitement répandues, assurait aux représentations plus d’éclat et de solennité.

Nous en avons un témoignage dans une lettre adressée le 18 janvier 1637, par le célèbre acteur, à Balzac, avec qui il

  1. La date de ces réflexions de Balzac ne permet pas de les appliquer au Cid : elles se trouvent dans une lettre à Boisrobert du 3 avril 1635 (livre VIII, lettre xlvi, tome I, p. 395 et 396 de l’édition in-folio de 1665). Du reste, elles ne peuvent pas davantage concerner quelque autre pièce de Corneille, car un passage qui précède immédiatement celui-ci, et que Mairet a pris soin de supprimer, met tout à fait notre poëte hors de cause, et lui est même très-favorable. Voyez la Notice sur Médée, tome II, p. 330 et 331.
  2. C’est-à-dire si le Cid n’eût pas été imprimé et exposé dans la Galerie du Palais, où se vendaient alors les livres nouveaux. Voyez la Notice sur la Galerie du Palais, tome II, p. 3-9.
  3. Réponse à l’Ami du Cid… p. 41 et 42.