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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/201

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ACTE V, SCÈNE III.

1625Qui livre à son Rodrigue une victoire aisée[1],
Et l’autorise enfin à paroître apaisée.

L’Infante.

Je le remarque assez, et toutefois mon cœur
À l’envi de Chimène adore ce vainqueur.
À quoi me résoudrai-je, amante infortunée ?

Léonor.

1630À vous mieux souvenir de qui vous êtes née[2] :
Le ciel vous doit un roi, vous aimez un sujet !

L’Infante.

Mon inclination a bien changé d’objet.
Je n’aime plus Rodrigue, un simple gentilhomme ;
Non, ce n’est plus ainsi que mon amour le nomme[3] :
1635Si j’aime, c’est l’auteur de tant de beaux exploits,
C’est le valeureux Cid, le maître de deux rois.
Je me vaincrai pourtant, non de peur d’aucun blâme,
Mais pour ne troubler pas une si belle flamme ;
Et quand pour m’obliger on l’auroit couronné,
1640Je ne veux point reprendre un bien que j’ai donné.
Puisqu’en un tel combat sa victoire est certaine,
Allons encore un coup le donner à Chimène.
Et toi, qui vois les traits dont mon cœur est percé,
Viens me voir achever comme j’ai commencé.


Scène IV.

CHIMÈNE, ELVIRE.
Chimène.

1645Elvire, que je souffre, et que je suis à plaindre !
Je ne sais qu’espérer, et je vois tout à craindre ;

  1. Var. Et livrant à Rodrigue une victoire aisée,
    Puisse l’autoriser à paroître apaisée. (1637-56)
  2. Var. À vous ressouvenir de qui vous êtes née. (1637-56)
  3. Var. Une ardeur bien plus digne à présent me consomme. (1637-44)