Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/220

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trop pesante pour ses mains ; il lui faut pour vengeur l’un de ses fils ; il les éprouve successivement : les deux plus jeunes ne savent que gémir quand il leur serre violemment la main ; Rodrigue seul à qui il mord un doigt s’emporte et se montre capable du ressentiment que désire son père. Le vieillard, sans savoir son amour pour Chimène, lui confie l’épée et lui nomme son ennemi. Monologue de Rodrigue, sa douleur, sa résolution.

Place devant le palais et devant la maison de don Diègue. L’Infante et Chimène à une fenêtre du palais, s’entretenant de Rodrigue. Le fier Gormas passe ; il confie à l’un de ses amis qu’il a quelque regret de sa violence, mais se montre résolu à ne point s’humilier par une amende honorable. Rodrigue armé le cherche ; d’abord il se voit avec peine en présence des dames, obligé de répondre par des propos courtois aux compliments de l’Infante. Le Comte reparait ; provocation, de plus en plus animée : les dames, en les voyant de loin, s’alarment ; don Diègue se montre debout devant sa porte, il échauffe de ses regards le courroux de Rodrigue. Le duel sur cette place même est rendu nécessaire par l’extrême insolence de Gormas. Le Comte, blessé à mort, tombe dans la coulisse. Chimène accourt avec des cris. Rodrigue résiste héroïquement à l’assaut de toute la suite du Comte, et l’Infante intervenant fait cesser ce combat.


remarques.


Scène 1ère, L’appareil sacré, les formules, les propos rapides de cette foule de personnages propre au théâtre de Valence, le premier qui ait été construit en Espagne, ne convenaient guère à notre poëte. Il écartera donc de son plan et la Reine et le Prince royal à qui cette histoire (c’est le titre, comme on sait, de beaucoup de pièces de Shakspeare) réserve un rôle assez marqué. Il se dispensera de faire de don Arias et de Peranzules des conseillers de cour, unis par des liens de parenté l’un à don Diègue, l’autre au Comte,. Il invente un seul personnage, le pâle rival de Rodrigue, réservé pour être le champion malheureux de Chimène, et il l’appelle, on ne sait pourquoi, don Sanche, quoique ce nom soit celui du jeune prince espagnol.

Quant à la scène en elle-même, cette pompe trop extérieure n’est point nécessaire à son dessein.

Scène IIe Celle-ci au contraire devait certainement lui convenir. Nous oserions affirmer que les circonstances du temps, lus sévérités de Richelieu contre le duel, l’humeur susceptible de Louis XIII, ont seules empêché Corneille de transporter la fîère dispute et le