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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/223

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romance Pensativo estaba el Cid, que Castro a transcrit presque entier, notamment les mots imprimés ici en lettres italiques :


Todo le parece poco
respecto de aquel agravio
el primero que se ha fecho

á la sangre de Lain Calvo.

La scène royale, dans la pièce de Castro, se termine d’une manière que Richelieu n’eût pas plus admise que ce qui précède. Don Diègue se retire à son tour, songeant déjà à sa vengeance, et n’est pas non plus retenu par l’ordre du Roi. Celui-ci se laisse persuader par ses deux autres conseillers de renoncer à faire justice, de peur de compromettre envers un puissant vassal sa propre puissance. Le scandale pourra d’ailleurs n’être pas ébruité, et il espère vaguement assoupir cette querelle.

Scène IIIe. La salle d’armes de don Diègue. Nous n’avons pas besoin d’insister sur l’embarras et la difficulté d’illusion que s’impose Corneille en se refusant à déterminer les divers lieux de son action.

Don Diègue a trois fils ; Rodrigue est l’aîné[1]. Les deux plus jeunes s’occupent à débarrasser le nouveau chevalier des armes qu’il a reçues, entre autres de l’épée du Roi, qu’il veut laisser suspendue au mur jusqu’à ce qu’il l’ait réellement gagnée par cinq batailles rangées. Dialogue élégant et paisible. Leur père arrive, sombre, égaré, tenant les deux fragments de son bâton qu’il a brisé. Son désordre émeut surtout Rodrigue, mais don Diègue ne veut point s’expliquer, et il exige que tous trois le laissent seul.

Son monologue fait penser, dès les premiers mots, à celui de Corneille[2] :

Cielos ! peno, muero, rabio…


Le second vers, quoique s’adressant au bâton brisé qu’il jette à terre, a visiblement suggéré aussi les beaux vers (v. 255 et suivants) : Et toi, de mes exploits glorieux instrument, etc.

No más, báculo rompido !…


« Va-t’en, bâton brisé, qui n’as pu servir de soutien ni à mon honneur ni à ma colère… » Suivent des traits d’un goût plus recherché. Le vieillard songe à se procurer une épée. Là est suspendue

  1. Dans Corneille, Rodrigue est fils unique :

    « Vous n’avez qu’une fille, et moi je n’ai qu’un fils. »

    (Acte I, scène iii, vers 167.)
  2. Acte I, scène iv.