Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/252

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critique de ces arrangeurs et de leur public ; mais il en est toujours à peu près de même quand on a la prétention de transporter une littérature hors de son sol ou de son temps[1].

V.




III

AUX AMATEURS DE LA LANGUE FRANÇOISE[2].


Messieurs,

Le soin où m’engage le désir que j’ai de satisfaire à vos curiosités (m’ayant fait découvrir cette excellente et ravissante pièce entre les nouveaux ouvrages de nos écrivains) m’a porté dans le dessein de la faire mettre sous la presse, pour vous en rendre participants. Je m’y suis de plus senti provoqué par le peu d’exemplaires qui s’en est trouvé en ces pays, et qui sembloit témoigner que la France fût jalouse que cet œuvre admirable tombât en la main des étrangers. Sa lecture a charmé l’oreille des rois, de telle sorte que, même dans les grands soins qui les environnent, il y en a qui l’ont fait réitérer plusieurs fois, tant ils l’ont estimée digne de leur audience. Aussi n’est-il point d’éloge assez relevé qui ne soit au-dessous de ses beautés ; et ce n’est rien dire d’égal à ses grâces que d’assurer qu’elles expriment toutes celles qui sont les plus rares en l’élégance françoise, qu’elles représentent les traits les plus vifs et les plus beaux dont on puisse se servir pour expliquer la gloire des grandes actions d’une âme par-

  1. On voit que l’étude consciencieuse qui précède conduit à des résultats fort différents, sur plus d’un point, de ceux que d’autres sources nous ont fournis (voyez p. 5 et suivantes). Elle nous apprend, par exemple, qu’il y a une édition du Cid de Diamante antérieure à celle de 1659. En outre, nous nous fions volontiers à l’autorité d’un examen attentif qui n’a trouvé dans cette pièce ni beautés du premier ordre, sauf la part de Corneille dans ce qui est faiblement traduit d’après lui, ni emprunt direct fait à Castro. Enfin nous sommes tout disposé a croire qu’il ne faut pas dire de Diamante qu’il a été « un des plus féconds et des plus renommés poëtes dramatiques qu’ait produits l’Espagne dans la seconde moitié du dix-septième siècle. » (Note de l’éditeur.)
  2. Cet avis, qui contient quelques renseignements curieux sur l’accueil qui fut fait au Cid à l’étranger, figure en tête du rare volume qui a pour titre : Le Cid, tragi-comédie nouvelle, par le sieur Corneille. À Leyden, chez Guillaume Chrestien, 1638, in-12.