Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/26

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temps à autre cet ouvrage, mais nous ne savons qui en remplissait les principaux rôles. Il est mentionné dès 1659 dans le registre de Lagrange, le vendredi 11 juillet, avec une recette de cent livres, et le mardi 16 septembre suivant, avec une recette de cent six livres.

Quant à don Diègue, s’il faut en croire M. Aimé Martin, qui, suivant sa coutume, ne cite aucun témoignage contemporain à l’appui de son assertion, c’est d’Orgemont qui le joua d’original. Quoi qu’il en soit, il est hors de doute que Baron se chargea plus tard de ce rôle à l’hôtel de Bourgogne, où il passa avec la Villiers et son mari lors de la retraite de Mondory, et qu’il mourut le 6 ou le 7 octobre 1655[1] des suites d’un accident qui lui arriva en le jouant. Tallemant des Réaux nous l’apprend en ces termes : « Le Baron de même n’avoit pas le sens commun ; mais si son personnage étoit le personnage d’un brutal, il le faisoit admirablement bien. Il est mort d’une étrange façon. Il se piqua au pied et la gangrène s’y mit[2]. » Puis il ajoute en note : « Marchant trop brutalement sur son épée en faisant le personnage de don Diègue au Cid. » Il refusa de subir l’amputation : « Non, non, dit-il, un roi de théâtre comme moi se feroit huer avec une jambe de bois[3]. » Son fils, en remplissant le rôle de Rodrigue, essuya plusieurs mésaventures, heureusement beaucoup moins tragiques. Ayant prolongé outre mesure sa carrière dramatique, il lui fallut un jour, dit-on, le secours de deux personnes pour se relever après s’être imprudemment jeté aux genoux de Chimène, et il se vit accueillir par un rire général lorsqu’il dit :

Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées
La valeur n’attend point le nombre des années[4].


Toutefois il fit bonne contenance, répéta les deux vers en affectant d’appuyer sur le premier hémistiche, et fut chaleureusement applaudi[5].

Aucun éditeur de Corneille ne nomme l’actrice qui repré-

  1. Voyez la Muse historique de Loret du 9 octobre 1655.
  2. Historiettes, tome VII, p. 175.
  3. Lettre à Mylord *** sur Baron, p. 19.
  4. Vers 405 et 406.
  5. Voyez Lemazurier, tome I, p. 97 et 98.