Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/286

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sortes de morts, ni que l’emportement d’un homme passionné pour sa patrie, contre une sœur qui la maudit en sa présence avec des imprécations horribles, soit de même nature que la cruauté de cette mère. Sénèque l’expose aux yeux du peuple, en dépit d’Horace ; et chez Sophocle, Ajax ne se cache point au spectateur lorsqu’il se tue. L’adoucissement[1] que j’apporte dans le second de ces discours pour rectifier la mort de Clytemnestre[2] ne peut être propre ici à celle de Camille. Quand elle s’enferreroit d’elle-même par désespoir en voyant son frère l’épée à la main, ce frère ne laisseroit pas d’être criminel de l’avoir tirée contre elle, puisqu’il n’y a point de troisième personne sur le théâtre à qui il pût adresser le coup qu’elle recevroit, comme peut faire Oreste à Égisthe. D’ailleurs l’histoire est trop connue pour retrancher le péril qu’il court d’une mort infâme après l’avoir tuée ; et la défense que lui prête son père pour obtenir sa grâce n’auroit plus de lieu, s’il demeuroit innocent[3]. Quoiqu’il en soit, voyons si cette action n’a pu causer la chute[4] de ce poëme que par là, et si elle n’a point d’autre irrégularité que de blesser les yeux.

Comme je n’ai point accoutumé de dissimuler mes défauts, j’en trouve ici deux ou trois assez considérables. Le

  1. Var. (édit. de 1660 et de 1663) : L’adoucissement que j’ai apporté à rectifier, etc.
  2. Voyez tome I, p. 81.
  3. Corneille répond ici à l’abbé d’Aubignac. Voyez la Notice d’Horace, p. 256.
  4. Ce mot chute paraît bien fort et ne s’accorde guère avec ce que nous lisons dans le reste de l’Examen. D’Aubignac a dit, plus exactement sans doute : « La mort de Camille… n’a pas été approuvée au théâtre » (voyez la Notice d’Horace, p. 256) ; et Corneille lui-même, un peu plus loin (p. 279) : « Tout ce cinquième est encore une des causes du peu de satisfaction que laisse cette tragédie. »