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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/305

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Mais as-tu vu mon père, et peut-il endurer
Qu’ainsi dans sa maison tu t’oses retirer[1] ?
Ne préfère-t-il point l’État à sa famille ?
Ne regarde-t-il point Rome plus que sa fille ?
Enfin notre bonheur est-il bien affermi ?
T’a-t-il vu comme gendre, ou bien comme ennemi ?

CURIACE.

Il m’a vu comme gendre, avec une tendresse
Qui témoignoit assez une entière allégresse ;
Mais il ne m’a point vu, par une trahison,
Indigne de l’honneur d’entrer dans sa maison.
Je n’abandonne point l’intérêt de ma ville,
J’aime encor mon honneur en adorant Camille.
Tant qu’a duré la guerre, on m’a vu constamment
Aussi bon citoyen que véritable amant[2].
D’Albe avec mon amour j’accordois la querelle :
Je soupirois pour vous en combattant pour elle ;
Et s’il falloit encor que l’on en vînt aux coups,
Je combattrois pour elle en soupirant pour vous.
Oui, malgré les désirs de mon âme charmée,
Si la guerre duroit, je serois dans l’armée :
C’est la paix qui chez vous me donne un libre accès,
La paix à qui nos feux doivent ce beau succès.

CAMILLE.

La paix ! Et le moyen de croire un tel miracle ?

JULIE.

Camille, pour le moins croyez-en votre oracle,
Et sachons pleinement par quels heureux effets
L’heure d’une bataille a produit cette paix.

CURIACE.

L’auroit-on jamais cru ? Déjà les deux armées[3],

  1. Var. Qu’ainsi dans la maison tu t’oses retirer ? (1641 in-12)
  2. Var. Aussi bon citoyen comme fidèle amant. (1641-56)
  3. Var. Dieux ! qui l’eût jamais cru ? Déjà les deux armées, (1641-56)