Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/344

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VALÈRE.

Hélas[2] !Tout hors d’haleine il prend pourtant sa place,
Et redouble bientôt la victoire d’Horace :
Son courage sans force est un débile appui ;
Voulant venger son frère, il tombe auprès de lui.
L’air résonne des cris qu’au ciel chacun envoie ;
Albe en jette d’angoisse, et les Romains de joie.
AlComme notre héros se voit près d’achever,
C’est peu pour lui de vaincre, il veut encor braver :
« J’en viens d’immoler deux aux mânes de mes frères ;
Rome aura le dernier de mes trois adversaires,
C’est à ses intérêts que je vais l’immoler, »
Dit-il ; et tout d’un temps on le voit y voler.
La victoire entre eux deux n’était pas incertaine ;
L’Albain percé de coups ne se traînoit qu’à peine,
Et comme une victime aux marches de l’autel,
Il sembloit présenter sa gorge au coup mortel :
Aussi le reçoit-il, peu s’en faut, sans défense,
Et son trépas de Rome établit la puissance[1].

LE VIEIL HORACE.

Ô mon fils ! ô ma joie ! ô l’honneur de nos jours !
Ô d’un État penchant l’inespéré secours !
Vertu digne de Rome, et sang digne d’Horace !
Appui de ton pays, et gloire de ta race !
Quand pourrai-je étouffer dans tes embrassements
L’erreur[2] dont j’ai formé de si faux sentiments ?
Quand pourra mon amour baigner avec tendresse
Ton front victorieux de larmes d’allégresse ?

VALÈRE.

Vos caresses bientôt pourront se déployer :
Le Roi dans un moment vous le va renvoyer,

  1. Voyez plus haut, p. 266 et suivantes, le récit de Tite Live.
  2. Dans l’édition de 1656, on lit l’horreur, pour l’erreur.