D’une marque éternelle à ce grand changement,
Et devoit cette gloire aux mânes d’un tel homme[1],
D’emporter avec eux la liberté de Rome.
Ce nom depuis longtemps ne sert qu’à l’éblouir,
Et sa propre grandeur l’empêche d’en jouir.
Depuis qu’elle se voit la maîtresse du monde,
Depuis que la richesse entre ses murs abonde,
Et que son sein, fécond en glorieux exploits,
Produit des citoyens plus puissants que des rois,
Les grands, pour s’affermir achetant les suffrages,
Tiennent pompeusement leurs maîtres à leurs gages,
Qui, par des fers dorés se laissant enchaîner,
Reçoivent d’eux les lois qu’ils pensent leur donner.
Envieux l’un de l’autre, ils mènent tout par brigues,
Que leur ambition tourne en sanglantes ligues.
Ainsi de Marius Sylla devint jaloux ;
César, de mon aïeul ; Marc-Antoine, de vous ;
Ainsi la liberté ne peut plus être utile
Qu’à former les fureurs d’une guerre civile,
Lorsque, par un désordre à l’univers fatal,
L’un ne veut point de maître, et l’autre point d’égal[2].
Seigneur, pour sauver Rome, il faut qu’elle s’unisse
En la main d’un bon chef à qui tout obéisse[3].
Si vous aimez encore à la favoriser[4],
- ↑ Var. Et devoit cet honneur aux mânes d’un tel homme. (1643-56)
- ↑ ::Nec quemquam jam ferre potest, Cæsarve priorem,
Pompeiusve parem.
(Lucain, Pharsale, livre I, vers 125 et 126.)
« Et César ne peut plus souffrir de supérieur, ni Pompée d’égal. »
- ↑ On a rapproché de ces vers la phrase suivante de Tacite (Annales, livre I, chapitre ix) : …non aliud discordantis patriæ remedium fuisse, quam ut ab uno regeretur, « il n’y eut pas d’autre remède pour la patrie en discorde que d’être gouvernée par un seul ; » et celle-ci de Florus (livre IV, chapitre iii) : Aliter salvus esse non potuit (populus romanus), nisi confugisset ad servitutem, « le peuple romain ne put être sauvé qu’en ayant recours à la servitude. »
- ↑ Var. Et si votre bonté la veut favoriser. (1643-56)