Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/424

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Sous qui son vrai bonheur commence de renaître ;
Et pour mieux assurer le bien commun de tous[1],
Donnez un successeur qui soit digne de vous. 620

AUGUSTE.

N’en délibérons plus, cette pitié l’emporte.
Mon repos m’est bien cher, mais Rome est la plus forte ;
Et, quelque grand malheur qui m’en puisse arriver,
Je consens à me perdre afin de la sauver.
Pour ma tranquillité mon cœur en vain soupire : 625
Cinna, par vos conseils je retiendrai l’empire ;
Mais je le retiendrai pour vous en faire part.
Je vois trop que vos cœurs n’ont point pour moi de fard[2],
Et que chacun de vous, dans l’avis qu’il me donne,
Regarde seulement l’État et ma personne.630
Votre amour en tous deux fait ce combat d’esprits[3],
Et vous allez tous deux en recevoir le prix[4].
Maxime, je vous fais gouverneur de Sicile :
Allez donner mes lois à ce terroir fertile ;
Songez que c’est pour moi que vous gouvernerez, 632
Et que je répondrai de ce que vous ferez.
Pour épouse, Cinna, je vous donne Émilie :
Vous savez qu’elle tient la place de Julie,
Et que si nos malheurs et la nécessité
M’ont fait traiter son père avec sévérité, 640
Mon épargne depuis en sa faveur ouverte
Doit avoir adouci l’aigreur de cette perte.
Voyez-la de ma part, tâchez de la gagner :
Vous n’êtes point pour elle un homme à dédaigner[5] ;

  1. Var. Et daignez assurer le bien commun de tous,
    Laissant un successeur qui digne de vous. (1643-56)
  2. Var. Je sais bien que vos cœurs n’ont point pour moi de fard. (1643-56)
  3. Var. Votre amour pour tous deux fait ce combat d’esprits. (1643-56)
  4. Var. Et je veux que chacun en reçoive le prix. (1643-56).
  5. Var. Vous n’êtes pas pour elle un homme à dédaigner. (1643-56)