Que le peuple aux tyrans ne soit plus exposé :
S’il eût puni Sylla, César eût moins osé.
Mais la mort de César, que vous trouvez si juste,
A servi de prétexte aux cruautés d’Auguste.
Voulant nous affranchir, Brute s’est abusé :
S’il n’eût puni César, Auguste eût moins osé.
La faute de Cassie, et ses terreurs paniques,
Ont fait rentrer l’État sous des lois tyranniques[1] ;
Mais nous ne verrons point de pareils accidents,
Lorsque Rome suivra des chefs moins imprudents.
Nous sommes encor loin de mettre en évidence
Si nous nous conduisons avec plus de prudence ;
Cependant c’en est peu que de n’accepter pas
Le bonheur qu’on recherche au péril du trépas.
C’en est encor bien moins, alors qu’on s’imagine
Guérir un mal si grand sans couper la racine ;
Employer la douceur à cette guérison,
C’est, en fermant la plaie, y verser du poison.
Vous la voulez sanglante, et la rendez douteuse.
Vous la voulez sans peine, et la rendez honteuse.
Pour sortir de ses fers jamais on ne rougit.
On en sort lâchement si la vertu n’agit.
Jamais la liberté ne cesse d’être aimable ;
Et c’est toujours pour Rome un bien inestimable.
- ↑ Var. Ont fait tomber l’État sous des lois tyranniques. (1643)