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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/436

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Scène IV.

ÉMILIE, CINNA, FULVIE.
ÉMILIE.

Grâces aux Dieux, Cinna, ma frayeur étoit vaine :
Aucun de tes amis ne t’a manqué de foi[1],
Et je n’ai point eu lieu de m’employer pour toi.
Octave en ma présence a tout dit à Livie,
Et par cette nouvelle il m’a rendu la vie.910

CINNA.

Le désavouerez-vous ? et du don qu’il me fait
Voudrez-vous retarder le bienheureux effet ?

ÉMILIE.

L’effet est en ta main.

CINNA.

L’effet est en ta main. Mais plutôt en la vôtre.

ÉMILIE.

Je suis toujours moi-même, et mon cœur n’est point autre :
Me donner à Cinna, c’est ne lui donner rien, 915
C’est seulement lui faire un présent de son bien.

CINNA.

Vous pouvez toutefois… ô ciel ! l’osé-je dire ?

ÉMILIE.

Que puis-je ? et que crains-tu ?

cinna

Que puis-je ? et que crains-tu ? Je tremble, je soupire,
Et vois que si nos cœurs avoient mêmes desirs[2],
Je n’aurois pas besoin d’expliquer mes soupirs. 920
Ainsi je suis trop sûr que je vais vous déplaire ;

  1. Var. Tes amis généreux n’ont point manqué de foi,
    Et ne m’ont point réduite à m’employer pour toi. (1643-56)
  2. Var. Et si nos cœurs étoient conformes en desirs. (1643-56)