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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/446

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Puis soudain dans le Tibre il s’est précipité ;
Et l’eau grosse et rapide, et la nuit assez noire[1],
M’ont dérobé la fin de sa tragique histoire.

AUGUSTE.

Sous ce pressant remords il a trop succombé[2], 1115
Et s’est à mes bontés lui-même dérobé ;
Il n’est crime envers moi qu’un repentir n’efface.
Mais puisqu’il a voulu renoncer à ma grâce,
Allez pourvoir au reste, et faites qu’on ait soin
De tenir en lieu sûr ce fidèle témoin.1120


Scène II.

AUGUSTE[3].

Ciel, à qui voulez-vous désormais que je fie
Les secrets de mon âme et le soin de ma vie ?
Reprenez le pouvoir que vous m’avez commis,
Si donnant des sujets il ôte les amis,
Si tel est le destin des grandeurs souveraines1125
Que leurs plus grands bienfaits n’attirent que des haines,
Et si votre rigueur les condamne à chérir
Ceux que vous animez à les faire périr.
Pour elles rien n’est sûr ; qui peut tout doit tout craindre.
Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre.1130
Quoi ! tu veux qu’on t’épargne, et n’as rien épargné !
Songe aux fleuves de sang où ton bras s’est baigné,
De combien ont rougi les champs de Macédoine,
Combien en a versé la défaite d’Antoine,

  1. Var. Et l’eau grosse et rapide, et la nuit survenue,
    L’ont dérobé sur l’heure à ma débile vue.
    aug. Sous ses justes remords il a trop succombé. (1643-56)

    Var. Dont l’eau grosse et rapide, et la nuit assez noire. (1660-64)
  2. Var. Sous le pressant remords il a trop succombé. (1660)
  3. auguste, seul. (1648-60)