Scène IV.
D’où me vient cette joie ? et que mal à propos
Mon esprit malgré moi goûte un entier repos !
César mande Cinna sans me donner d’alarmes !
Mon cœur est sans soupirs, mes yeux n’ont point de larmes,
Comme si j’apprenois d’un secret mouvement
Que tout doit succéder à mon contentement !
Ai-je bien entendu ? me l’as-tu dit, Fulvie ?
J’avois gagné sur lui qu’il aimeroit la vie,
Et je vous l’amenois, plus traitable et plus doux,
Faire un second effort contre votre courroux[1],
Je m’en applaudissois, quand soudain Polyclète,
Des volontés d’Auguste ordinaire interprète,
Est venu l’aborder et sans suite et sans bruit,
Et de sa part sur l’heure au palais l’a conduit.
Auguste est fort troublé, l’on ignore la cause ;
Chacun diversement soupçonne quelque chose :
Tous présument qu’il ait un grand sujet d’ennui,
Et qu’il mande Cinna pour prendre avis de lui.
Mais ce qui m’embarrasse, et que je viens d’apprendre[2],
C’est que deux inconnus se sont saisis d’Évandre,
Qu’Euphorbe est arrêté sans qu’on sache pourquoi,
Que même de son maître on dit je ne sais quoi :
On lui veut imputer un désespoir funeste ;
On parle d’eaux, de Tibre, et l’on se tait du reste.