Je te donnai sa place en ce triste accident,
Et te fis, après lui, mon plus cher confident.
Aujourd’hui même encor, mon âme irrésolue
Me pressant de quitter ma puissance absolue,
De Maxime et de toi j’ai pris les seuls avis,
Et ce sont, malgré lui, les tiens que j’ai suivis.
Bien plus, ce même jour je te donne Émilie,
Le digne objet des vœux de toute l’Italie,
Et qu’ont mise si haut mon amour et mes soins,
Qu’en te couronnant roi je t’aurois donné moins.
Tu t’en souviens, Cinna, tant d’heur et tant de gloire
Ne peuvent pas sitôt sortir de ta mémoire ;
Mais ce qu’on ne pourroit jamais s’imaginer,
Cinna, tu t’en souviens, et veux m’assassiner[1].
Moi, Seigneur ! moi, que j’eusse une âme si traîtresse ;
Qu’un si lâche dessein…
Sieds-toi, je n’ai pas dit encor ce que je veux ;
Tu te justifieras après, si tu le peux.
Écoute cependant, et tiens mieux ta parole.
Tu veux m’assassiner[2] demain, au Capitole,
Pendant le sacrifice, et ta main pour signal
Me doit, au lieu d’encens, donner le coup fatal ;
La moitié de tes gens doit occuper la porte,
L’autre moitié te suivre et te prêter main-forte.
Ai-je de bons avis, ou de mauvais soupçons[3] ?
- ↑ Quum sic de te meruerim, occidere me constituisti. (P. 374.)
- ↑ Quum ad hanc vocem exclamasset Cinna, procul hanc ab se abesse dementiam : « Non prætas, inquit, fidem, Cinna ; convenerat ne interloquereris. Occidere, inquam, me paras. (P. 374. et 375.)
- ↑ Var. Assurée au besoin du secours des premiers.
Te dirai-je les noms de tous ces meurtriers ? (1643-56)