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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/52

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LE CID.

demander seulement raison de l’impertinence d’un de vos lanciers qui m’est venu rompre dans la visière mal à propos ; mais d’autant que je n’ai pas l’honneur de connoître le galant homme et qu’il ne seroit pas raisonnable que je me commisse avec un masque, je vous adresserai, s’il vous plaît, ce petit discours, comme si vous étiez lui-même.

« Premièrement il en veut à mes ouvrages qu’il attaque tous… puis par une ruse de guerre, qui n’est pas difficile à découvrir, il me veut attribuer la lettre qui commence par les railleries passives d’Ariste, continue par le mépris en particulier de votre chef-d’œuvre, et finit par celui de toutes vos autres pièces en général. Pour la lettre qu’il me veut donner, il me pardonnera si je la refuse… et je n’ai mis principalement la main à la plume que pour faire une publique déclaration de ce désaveu. Je proteste hautement que je suis très-humble serviteur d’Ariste, pour les bonnes qualités dont je le crois doué sur le rapport de M. de Scudéry qui le connoît ; et votre ami n’y procède pas comme il faut : il devroit se contenter d’égratigner mes ouvrages, sans essayer malicieusement de me brouiller avec des personnes dont la profession m’a toujours imprimé la révérence et le respect… Il faut savoir que cet ami, qui vous ressemble si fort, a fait imprimer deux réponses subsécutives à la lettre que je désavoue en cette-ci. Dans la première, qui porte pour titre : Lettre pour M. de Corneille… il témoigne en connoître l’auteur par la mauvaise peinture qu’il en a faite, et par la seconde, qu’il intitule : la Réponse de *** à *** sous le nom d’Ariste, il semble qu’il ait dessein de faire accroire que c’est de moi qu’il entendoit parler dans la première ; si c’est pour se mettre à couvert de l’orage qu’il appréhende (car enfin celui qu’il y désigne et qu’il offense est de telle qualité qu’il a des domestiques d’aussi bonne condition que vous, je ne veux pas dire meilleure quoiqu’on m’en ait assuré, et le rang qu’il tient dans la province où vous demeurez est si haut que si vous étiez bien avisé, vous iriez lui demander pardon du zèle indiscret de votre ami, qui vous peut être injurieux) : digressions à part, si c’est, comme j’ai dit, qu’il se veuille mettre à couvert de l’orage qu’il appréhende, je suis tout prêt en votre considération de lui rendre ce bon office, en recevant chez moi le paquet qu’il adresse ailleurs. »