Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/74

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sible pour fomenter la discorde, je l’ai considéré comme ces méchants politiques qui n’étant pas assez puissants pour subsister d’eux-mêmes, tâchent de brouiller les affaires, afin d’établir des fondements à leur fortune sur les ruines de ceux qu’ils n’eussent osé choquer ouvertement. Il fait battre deux ennemis forts et redoutables (au moins par ses conseils il tâche de vouloir relever celui qui est presque abattu), et ne considère pas que celui qui a déjà de l’avantage, parce qu’il s’est tu, en aura encore de plus grands quand il voudra parler. Et puisqu’il juge un bon esprit indigne de sa colère, il verra celui-ci avec un si grand mépris, qu’il ne voudra jamais penser à lui, puisqu’il ne songe qu’aux choses excellentes. Imitez-le, Ariste, et laissez aux honnêtes gens le soin de répondre à la calomnie.


IV. lettre du désintéressé au sieur mairet[1].


Monsieur,

Il faut que le Cid de M. Corneille soit fait sous une étrange constellation, puisqu’il a mis tout le Parnasse en rumeur, et que presque tous les poëtes sont réduits à la prose. Je veux quasi mal à son trop de mérite, puisqu’il est cause d’un si grand désordre. Au commencement (il est vrai) que je vis jeter cette pomme de discorde, je ne fus pas fâché de voir naître un peu de jalousie en votre esprit, et j’espérois que le feu de la colère donneroit plus de force à vos vers, à vous une honnête émulation, et que par de nouveaux efforts vous tâcheriez d’atteindre à la course celui qui avoit pris les devants. Néanmoins, soit que vous reconnoissiez vos forces trop petites pour un dessein si haut, ou que l’envie ne vous inspire que de lâches résolutions, vous serez satisfait en apparence si vous pouvez faire

  1. « Corneille, sans se nommer, fit tomber toutes ces critique par une Lettre du désintéressé au sieur Mayret, in-8o. » (Niceron, Mémoires, tome XX, p. 92.) — Cet ouvrage est aussi mentionné comme étant de Corneille dans Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes, 2e édition, Paris, 1823, tome II, p. 242, n° 9617.