Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/89

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ÉPÎTRE.




À MADAME DE COMBALET[1].


Madame,

Ce portrait vivant que je vous offre représente un héros assez reconnoissable aux lauriers dont il est couvert. Sa vie a été une suite continuelle de victoires ; son corps, porté dans son armée, a gagné des batailles après sa mort ; et son nom, au bout de six cents ans, vient encore de triompher en France[2]. Il y a trouvé une réception trop favorable pour se repentir d’être sorti de son pays, et d’avoir appris à parler une autre langue que la sienne. Ce succès a passé mes plus ambitieuses espérances, et m’a surpris d’abord ; mais il a cessé de m’étonner depuis que j’ai vu la satisfaction que vous avez témoignée quand il a paru devant vous. Alors j’ai osé me promettre de lui tout ce qui en est arrivé[3], et j’ai cru qu’après les éloges dont vous l’avez honoré, cet applaudissement universel ne lui pouvoit manquer. Et véritablement, Madame, on ne

  1. L’épître dédicatoire est adressée : À madame la duchesse d’Aiguillon, dans les éditions de 1648-56. — Marie-Madeleine de Vignerot, nièce de Richelieu, avait épousé Antoine de Beauvoir, marquis du Roure, seigneur de Combalet, qui fut tué en 1621 devant Montauban. Le Cardinal la plaça près de la Reine, en qualité de dame d’honneur, et fit revivre pour elle en 1638 le duché d’Aiguillon. Toutefois ces mots : À Madame de Combalet, subsistèrent en tête de la présente dédicace, dans les éditions du Cid, jusqu’en 1644 inclusivement. On y substitua plus tard, comme nous venons de le dire : À Madame la duchesse d’Aiguillon, dans les recueils des Œuvres, jusqu’en 1660, époque à laquelle Corneille supprima les dédicaces et les avertissements. La duchesse mourut en 1675. Voyez ci-dessus, p. 18 et 19.
  2. Var. (édit. de 1654 et 56) : vient encore triompher.
  3. Ce membre de phrase manque dans l’édition de 1637 in-12, qui porte simplement : « alors j’ai cru qu’après les éloges, etc. »