Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/109

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Malgré César et nous il a voulu périr ;
Mais il est mort, Madame, avec toutes les marques
Que puissent laisser d’eux les plus dignes monarques[1] :
1635Sa vertu rappelée a soutenu son rang,
Et sa perte aux Romains a coûté bien du sang[2].
Il combattoit Antoine avec tant de courage,
Qu’il emportoit déjà sur lui quelque avantage ;
Mais l’abord de César a changé le destin ;
1640Aussitôt Achillas suit le sort de Photin :
Il meurt, mais d’une mort trop belle pour un traître,
Les armes à la main, en défendant son maître.
Le vainqueur crie en vain qu’on épargne le Roi ;
Ces mots au lieu d’espoir lui donnent de l’effroi ;
1645Son esprit alarmé les croit un artifice
Pour réserver sa tête à l’affront d’un supplice[3].
Il pousse dans nos rangs, il les perce, et fait voir
Ce que peut la vertu qu’arme le désespoir ;
Et son cœur, emporté par l’erreur qui l’abuse[4],
1650Cherche partout la mort, que chacun lui refuse.
Enfin perdant haleine après ces grands efforts,
Près d’être environné, ses meilleurs soldats morts,
Il voit quelques fuyards sauter dans une barque :
Il s’y jette, et les siens, qui suivent leur monarque,
1655D’un si grand nombre en foule accablent ce vaisseau[5],
Que la mer l’engloutit avec tout son fardeau[6].
C’est ainsi que sa mort lui rend toute sa gloire,
À vous toute l’Égypte, à César la victoire.

  1. Var. Dont éclatent les morts des plus dignes monarques. (1644-56)
  2. Var. Et sa perte aux Romains a bien coûté du sang. (1644-56)
  3. Var. Pour réserver sa tête aux hontes d’un supplice. (1644-56)
  4. Var. Et son cœur indigné, que cette erreur abuse. (1644-56)
  5. Var. D’un tel nombre à la foule accablent ce vaisseau. (1644-56)
  6. L’auteur du livre de la Guerre d’Alexandrie (chapitre xxxi) raconte que Ptolémée s’enfuit du camp, et qu’il périt de la manière que dit ici Corneille.