Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/321

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DORANTE, au prévôt.

Souffrez que j’examine à loisir son visage.

(Bas.)

C’est lui, mais il n’a fait qu’en homme de courage ;
Ce seroit lâcheté, quoi qu’il puisse arriver,
330De perdre un si grand cœur quand je puis le sauver[1].
Ne le découvrons point.

CLÉANDRE, bas.

Ne le découvrons point.Il me connoît, je tremble.

DORANTE, au prévôt.

Ce cavalier, Monsieur, n’a rien qui lui ressemble ;
L’autre est de moindre taille, il a le poil plus blond,
Le teint plus coloré, le visage plus rond,
335Et je le connois moins, tant plus je le contemple.

CLÉANDRE, bas.

Oh ! générosité qui n’eut jamais d’exemple !

DORANTE.

L’habit même est tout autre.

LE PRÉVÔT.

L’habit même est tout autre.Enfin ce n’est pas lui ?

DORANTE.

Non, il n’a point de part au duel d’aujourd’hui.

LE PRÉVÔT, à Cléandre.

Je suis ravi, Monsieur, de voir votre innocence
340Assurée à présent par sa reconnoissance ;
Sortez quand vous voudrez, vous avez tout pouvoir.
Excusez la rigueur qu’a voulu mon devoir.
Adieu.

CLÉANDRE, au prévôt.

Adieu.Vous avez fait le dû de votre office.

  1. Var. De perdre un si grand cœur quand je le puis sauver. (1645-56)